MEDIAS - FIP a un sérieux problème de communication. Le plan de modernisation projeté à Paris par la direction de la radio est perçu comme un recul en Province. «Nous considérons cela comme un malentendu», a dit début septembre Patrice Cavelier, secrétaire général de Radio France, lors d’une rencontre avec la presse et les élus à Strasbourg, l’une des trois antennes concernées avec Nantes et Bordeaux. Depuis, le «malentendu» ne semble pas avoir été levé. Il concerne le temps d’antenne réservé aux animatrices (les «Fipettes») en Province. De douze heures par jour, il passerait à quatre cet automne, au profit de l’antenne nationale. Pour Dominique Pensec, directrice de FIP, «l’évolution en cours est destinée à préparer la diffusion de la radio dans 19 nouvelles villes», avec le lancement en 2009 de la radio numérique terrestre.
Selon elle, le développement d’Internet conduit à «envisager une évolution des contenus», en renforçant ce support. «Ne pas prendre en compte les équipes locales dans cette évolution, ç’aurait été les exclure à terme de nos projets de développement», argumente-t-elle. Et de promettre que ni l’emploi ni la vie culturelle locale - qui sera désormais relayée depuis la Province sur l’antenne nationale et sur Internet - n’en souffriront. «C’est important pour nos partenaires culturels d’avoir cette exposition nationale. C’est tout l’inverse de la radio parisienne que l’on nous accuse de vouloir faire», affirme Patrice Cavelier.
A Strasbourg, ce discours ne convainc pas. Environ 4.000 auditeurs ont signé une pétition.«Ce FIP local réduit à quatre heures va diluer la visibilité des événements culturels, dénonce Daniel Scherrer, président du comité des auditeurs, et on ne voit pas trop comment les animatrices vont pouvoir intéresser un auditeur de l’autre bout de la France à un petit concert près de Strasbourg.» Les dirigeants des collectivités locales, toutes tendances confondues, ont pris la plume pour écrire au patron de Radio France, Jean-Paul Cluzel, voire à Nicolas Sarkozy. Ils y affirment leur soutien à «ce formidable outil local» ou dénoncent une «recentralisation».
Des parlementaires s’engagent aussi et doivent se réunir mercredi prochain à l’Assemblée pour discuter du cas FIP. «Les élus sentent qu’ils risquent de perdre cette proximité dont ils ont besoin pour mettre en valeur la vie culturelle de leur région», estime Jean-Eric Ziolkowski, syndicaliste CFDT à Radio France.
Conviées demain à une réunion, les animatrices de FIP Strasbourg espèrent en apprendre davantage sur le contenu du projet de la direction. «Jean-Paul Cluzel nous a dit qu’il allait corriger la copie, mais j’ai l’impression que les corrections se feront à la marge», confie Roland Ries, maire PS de Strasbourg, où le conseil municipal doit adopter une motion de soutien à FIP aujourd’hui.
A Nantes, le collectif de soutien - auditeurs, salles et théâtres, labels locaux de disques, opéra, festivals, compagnies - est le même qu’en 2000 quand la station nantaise de FIP, menacée de disparition pure et simple, a pu être maintenue en partie grâce au chambard des partisans. A l’époque, une soirée de soutien avait réuni 6 000 personnes. «Musique, voix, infos culturelles, c’est très affectif, le lien, dit Philippe Guihéneuf qui dirige le Terrain neutre théâtre, une petite salle du centre-ville. C’est de qualité, ça coûte pas cher : pourquoi jeter ça ? Pour nous, FIP est un partenaire majeur et très efficace de la vie culturelle nantaise.» Là aussi, les politiques ont facilement fourni leur appui. Pour le conseiller général socialiste et conseiller de Jean-Marc Ayrault sur la question des radios, Pascal Bolo, il s’agit de maintenir «la capacité des radios locales, associatives ou commerciales à continuer d’animer la vie locale. Avec la future radio numérique, ces radios n’auront plus les moyens. A Nantes, elles ont une longueur d’avance, ayant déjà développé des outils de diffusion communs. Ce qui se passe avec FIP est annonciateur des effets de la radio numérique sur les contenus.»
A Bordeaux, l’annonce n’a finalement qu’à moitié surpris. «C’est la troisième fois que Radio France essaye de s’en prendre aux locales de FIP, rappelle Stéphane San Millan, coordinateur de Rififip, le comité de soutien local. Nous nous sommes créés avec la première alerte, en 1987. Puis on s’est réactivés en 2000, ce qui a sans doute contribué à protéger Bordeaux qui a été maintenu. Et là, on a à nouveau recueilli plus de 1 000 signatures sur Internet, on tracte, on rencontre les élus.» Ce qui inquiète Stéphane, c’est d’imaginer que FIP puisse bientôt devenir un de ces «robinets à musique». «Pour nous, ça n’est absolument pas une radio d’ambiance, martèle-t-il. Je sais que moi auditeur, quand je veux sortir le soir, j’écoute FIP.» De son côté, Muriel Chedotal, syndicaliste CGT, pose la question du maintien de l’emploi. La station bordelaise compte quatre animatrices permanentes et deux remplaçantes, intermittentes du spectacle : «C’est pour elles que nous nous disons que moins d’heures va aussi signifier moins de cachets.» La direction semble cependant laisser entendre que les emplois en Gironde ne seront pas menacés et les «Fipettes» devraient basculer sur le site web, qu’elles alimenteront en info services ne trouvant plus leur place à l’antenne. Maigre consolation. «La radio, c’est de la complicité, pointe Muriel Chedotal, ça se fait tous les jours. Internet, il n’y a pas ce lien."